Le 31 octobre à Paris, plusieurs milliers de personnes ont marché contre les violences policières et le racisme. La genèse et l’organisation de cette marche pour la « dignité » ont mis en évidence la volonté et la capacité de la société civile à s’emparer de sujets réservés jusqu’ici aux vieux partis politiques. Une véritable bouffée d’oxygène.
Dans les années 80, être contre le racisme c’est être de gôche
Dans les années 80, alors que le FN engrange ses premiers succès électoraux, une grande marche pour l’égalité et contre le racisme est organisée, du 15 octobre 3 décembre 1983. Également appelée marche des beurs, cette manifestation réunira jusqu’à 100 000 personnes à Paris. L’année après, l’association SOS racisme et son slogan (discutable mais c’est un autre débat) sont créés par des sympathisants socialistes. D’aucuns affirment que le PS a orchestré lui même la naissance de l’association. Peu importe. C’est l’éternelle question de l’oeuf ou de la poule, l’essentiel est que ces deux organisations ont toujours sinon été proches, partageant membres, leaders, idées et discours. L’arrivé au PS en 1992 d’Harlem Désir, fondateur médiatique et historique de SOS racisme, est venue confirmer cette proximité.
Depuis cette époque, le discours anti raciste est identifié comme appartenant à la gauche et plus particulièrement au PS. Pendant longtemps, ne pas soutenir le PS sous-entendait ne pas être contre le racisme.
Heureusement, Valls est arrivé pour prouver le contraire
Ces dernière années, le PS a brillamment démontré que les valeurs anti raciste ou l’opposition aux violences policières ne faisaient plus vraiment partie de son ADN. Je pense au réfugiés de Calais, à la mort du militant écologiste Rémi Fraisse, au discours et à l’action de Valls ministre de l’intérieur, à l’abandon de la promesse électorale du candidat Hollande sur le droit de vote des étrangers aux élections locales.
Pourtant, les critiques à l’encontre du PS sur ces sujets sont restées timides, la faute au label anti raciste hérité des années 80. La mécanique étant à peu près celle ci : je ne peux pas critiquer le PS, ce sont les seuls dépositaires de la lutte contre le racisme et les violences policières. Si je les critique, je deviendrai automatiquement un gros con de raciste de droite (ami lecteur de droite, que j’espère plus nombreux après ce billet anti PS, tu l’auras compris, c’est une blague).
La marche pour la dignité : une bouffée d’oxygène
Enfin, arrive la marche pour la dignité. 32 ans après la marche des beurs, 30 après la création de SOS racisme et 10 ans après les événements de Clichy sous bois. Cette marche n’a pas été organisée à l’initiative d’un parti mais à l’initiative d’associations et de collectifs de citoyens. Ni SOS Racisme ni le PS n’y figuraient. La manifestation a réuni quelques milliers de participants ce qui n’est pas aussi impressionnant que le succès de la marche des beurs de 1983 mais – et c’est un signe – le succès médiatique est là.
La critique du PS est enfin décorrélée de la non souscription à l’anti racisme. Ça fait beaucoup de négation dans la même phrase alors je le redis plus simplement : on peut critiquer l’action d’un gouvernement de gauche sur ces sujets, sans pour autant passer un gros con de droite raciste (<- deuxième blague ami lecteur de droite). Et c’est une véritable bouffée d’oxygène.
Je n’ai donc pas viré ma cuti à droite mais je me reconnais vraiment dans les propos de Céline Sciamma :
Être de gauche aujourd’hui en France, c’est traverser ce paradoxe : vivre dans un pays où le parti socialiste est au pouvoir tout en ayant le sentiment d’être dans l’opposition. Et ce paradoxe nous glace, il a pu nous figer. Avec cette idée que si l’on s’oppose à la gauche qui gouverne, il faut le faire avec prudence, car on pourrait faire advenir le pire. Nous ne devons plus penser comme cela. Sinon, nous faisons le même jeu que nos dirigeants, branchés sur une opinion publique à l’intelligence de laquelle ils ne croient pas.