J’ai participé avec enthousiasme à l’opération de miroring de wikileaks lorsque leur site a été bloqué suite à la publication des câbles diplomatiques des États Unis. Je ne le ferai plus aujourd’hui.
Je ne crois pas être devenu moins militant ou moins convaincu de la nécessité d’une certaine transparence, telle que wikileaks l’envisageait (et telle qu’elle ne se l’est d’ailleurs jamais appliquée) : transparence pour les puissants, protection de la vie privée pour les faibles
. Je crois par contre que wikileaks a changée, et que ses pires travers, longtemps enfouis et maîtrisés, sont devenus les traits dominants de l’organisation.
Le but de wikileaks n’est plus la publication d’information pour favoriser la transparence et permette au citoyens d’être mieux informés, mais la publication d’informations pour justifier sa propre existence.
Après les attentats du 13 novembre en France, le compte Twitter de l’organisation a publié une série de tweets nauséabonds. Ainsi ce tweet, le jour même des attentats, qui comparait le nombre de morts en France et en Irak et en Syrie. C’est toujours d’une imbécilité crasse de jauger l’horreur en nombre de morts. Les victimes françaises du 13 novembre ne valaient pas plus ni moins que les victimes irakiennes ou syriennes de daech. Ce n’est pas ce que wikileaks semblait constater.
Over 120 killed in Paris attacks tonigh by Islamic terrorism. Over 250,000 Syrians, Iraqis & Libyans killed. Not funny then. Not funny now.
— WikiLeaks (@wikileaks) November 14, 2015
L’erreur est humaine, surtout lorsqu’il est question de réactions à chaud. Cependant les derniers documents publiés par wikileaks démontrent à quel point l’organisation s’est perdue en chemin. Juste après le coup d’état manqué contre le président turque Reycep Tayyep Erdogan, wikileaks a diffusé plusieurs milliers de mails en les présentant comme une preuve des machinations de celui-ci. En fait de preuve, wikileaks a balancé dans l’espace des mails de citoyens turques sans rapport avec le coup d’État, violant ainsi les correspondances privées de milliers de personnes et bafouant au passage la règle que l’organisation s’était fixée : transparence pour les puissants, protection de la vie privée pour les faibles.
RELEASE: 294,548 emails from Turkey's ruling political party, Erdo?an's AKP #AKPemails https://t.co/1Yof7YZpH7 pic.twitter.com/GGzGS8oUrY
— WikiLeaks (@wikileaks) July 19, 2016
You know the safety, privacy and misrepresentation of millions of people in other countries MATTERS too? Maybe not to Wikileaks, but to us?
— Zeynep Tufekci (@zeynep) August 1, 2016
Leur dernière publication, les mails du parti démocrate révélant un biais clairement anti Sanders (le concurrent malheureux de Clinton aux primaires démocrates), est également peu lisible avec le prisme du mandat de l’organisation. En diffusant ces emails wikileaks a clairement favorisé un camp contre l’autre. La encore wikileaks a trahi son mantra : transparence pour les puissants, mais pas tous, en tout cas pas les républicains.
It should come as no surprise that Assange would make aggressive use of leaked documents to try to undermine Clinton https://t.co/Id0SKaLVi6
— The Intercept (@theintercept) August 6, 2016
Je reste convaincu que la transparence pour les états est nécessaire, de même que la protection de la vie privée pour les citoyens. Wikileaks a prouvé au cours des 10 derniers mois qu’elle n’est plus en mesure d’assurer ni l’une ni l’autre.