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CFDT Amesys Conseil : le syndicat qui justifie la vente d(e)’ (cyber) armes

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Vous souvenez-vous de Bull ? Bull a été pendant longtemps le symbole de l’informatique à la française. A la fin des années 80, suite au boum de l’informatique grand public, Bull se lance sur le marché grand public. Flop énorme. Bull fait la Une non pas pour ses micro ordinateurs mais pour ses licenciements. En 2010, avec le rachat d’Amesys, une société spécialisée dans la sécurité et les télécoms, Bull réoriente son activité vers un nouveau marché qui promet à la société un avenir économique radieux : celui des États nationaux.

Bull Amesys vend des outils de surveillance réseau à la Libye

Tout va bien pour Bull Amesys puisqu’en à peine un an le groupe trouve au moins un gros marché pour pour sa nouvelle activité : la Libye. Suite à la chute de Muamar Khadafi en septembre dernier, des journalistes du Wall Street Journal et de la BBC ont retrouvé à Tripoli, dans un bâtiment officiel, des manuels d’utilisation d’un outil de surveillance des internautes libyens. Amesys a vendu un système d’écoute massif des individus sur internet à la Libye. Les logos trouvés sur les manuels en attestent [1].

Vidéo de la BBC : Inside Col Gaddafi's homeland security HQ

 

Suite à ces révélations, Bull fait le gros dos et attend que la tempête passe. Certains diront, planqués derrière un fatalisme confortable et résigné que c’est la vie, les vendeurs de canons ont toujours existé, tu es bien naïf petit homme, et de toute façon si c’aurait (les fatalistes ne manient pas très bien la grammaire française) pas été Bull ç’aurait été quelqu’un d’autre, vas-y René, remets m’en un. « Certes, pourquoi pas », répondrais-je à ces fous furieux néo libéraux qui pensent que les affaires peuvent se passer d’éthique et que si y’a du pognon à prendre au détriment de la liberté ou de la vie d’autres individus, c’est pas bien grave. Si Bull Amesys décide de vendre son système d’écoute  à la Libye – avec l’accord du gouvernement français – c’est triste mais malheureusement pas illégal.

Les syndicats locaux en émoi

Ce qui est quand même drôle, voire hilarant dans cette affaire, c’est la réaction des syndicats de Bull. Rappelons pour nos plus jeunes lecteurs ce qu’est un syndicat : selon wikipédia, qui n’est pas trop un manche en matière de définition, c’est « une association qui regroupe des personnes physiques ou morales pour la défense ou la gestion d’intérêts communs ». Pour ceux qui connaissent un peu l’histoire du travail en France, tout au long des 19e et 20e siècles, les syndicats se sont battus pour l’amélioration des conditions de travail,  et la réduction du temps de travail [2]. Bull étant une boîte dont le siège – cocorico – se trouve au pays des droits de l’homme et des congés payés, les salariés de cette boîte ayant été élevés au bon grain, aux 35 h et autres avantages sociaux durement conquis par une classe ouvrière à une époque où le travail était un peu plus pénible que de pisser du code toute la journée le cul vissé sur une chaise ergonomique de bureau, les salariés de Bull Amesys ont un syndicat avec assez de moyens pour avoir son propre site internet : la CFDT Amesys Conseil.

Il n’est pas question de parler ici des positions de la CFDT en général car les syndicats en France sont organisés par branche et le gars que l’on voit à la télé, le Bernard Thibault aux longs cheveux de la CGT ou le François Chérèque au regard  de taupe de la CFDT ne constituent que la figure médiatique de ces organisations et ne sont en aucun cas de grands chefs absolus sans l’autorisation de qui le moindre membre de la confédération n’est pas même autorisé à aller soulager sa vessie de travailleur. Au contraire, en France, les syndicats ont une assez large autonomie. C’est d’ailleurs cette autonomie qu’a mis à profit la CFDT Amesys Conseil pour prendre la défense de sa société et soulager la conscience des salariés qui ont mis au point un système d’écoute qui a probablement conduit des citoyens libyens en prison ou pire, au cimetière.

Un exercice de style compliqué

Après les révélations sur la collaboration de Bull Amesys avec le régime libyen, la CFDT Amesys Conseil publie un communiqué au titre audacieux : Rentrée mouvementée, dans lequel elle s’interroge sur les réponses à apporter aux pauvres salariés d’Amesys Conseil. Le rôle du syndicat étant de veiller au bien être de ses salariés et le bien être des salariés de l’entreprise étant étroitement lié au fait d’être bien dans ses baskets, le cerveau malade qui a écrit ce torchon a tenté de laver la conscience des salariés d’Amesys ainsi :

Ensuite, du point de vue des citoyens que nous sommes, nous ne pouvons sans doute que nous indigner d’apprendre qu’une entreprise française ait fourni du matériel d’espionnage à un régime totalitaire qui torture ses opposants.

Enfin, de notre point de vue de salariés, nous ne pouvons que souhaiter voir notre entreprise croître et nous donner du travail. Quand nous produisons, nous ne savons que rarement qui sera le client final. Alors, comment nous blâmer ? Blâme-t-on les physiciens parce que leurs travaux ont au final permis de créer de nouvelles armes ? Blâme-t-on les salariés d’EADS parce que l’Airbus du vol 447 s’est écrasé en mer ?

De plus, la vente de matériel d’espionnage est soumise à autorisation gouvernementale, c’est donc notre gouvernement, démocratiquement élu et représentant du peuple qui a décidé du bien-fondé de cette vente !

On admire les trois arguments massues que sont le

  1. on travaille pour la prospérité de notre entreprise, on ne pouvait pas ne pas le faire
  2. on ne connaît pas les clients finaux, on ne pouvait pas savoir
  3. c’est le gouvernement français qui a validé la vente de cette technologie d’écoute à la Libye, nous ne sommes pas responsables

CFDT d’AMesys Conseil, je te vomis.
Ironie du sort : à côté de ce texte révoltant, on peut voir une pub pour la CFDT :

Ben oui, c’est tellement mieux d’écraser les autres. Surtout quand ils sont loin. De l’autre côté de la méditerranée.

  1. Faut être quand même con pour laisser son logo sur des manuels dans ce genre de situation
  2. Au 19e siècle par exemple, les syndicats ne négociaient pas les 35 heures mais plutôt les 60 heures par semaine

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